MICHEL ESPAGNE
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l’Assemblée nationale. Mais surtout on peut fort bien soutenir la version
inverse et noter que la Grèce, une image de Grèce en partie puisée dans
la connaissance réelle du pays et en partie fantasmée, a contribué à la
construction de l’Allemagne. Dans le domaine architectural la référence
à la Grèce dans l’œuvre de Schinkel qui donne son caractère au centre
de Berlin est flagrante en bien des endroits mais tout particulièrement
sur l’Île des musées. Il parsème l’Allemagne de temples grecs comme la
« Neue Wache » à Berlin, la « Hauptwache » à Dresde. Schinkel était
lui-même un proche de Wilhelm von Humboldt dont il aménagea le châ-
teau familial, et pour qui la culture grecque fournissait un outil insurpas-
sable.
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La culture grecque ne s’inscrit pas seulement dans la physionomie
des villes mais elle constitue, dans une Allemagne encore fragmentée, un
modèle sur lequel fonder l’Allemagne. C’est évidemment la question de
la « Bildung » (formation), formation aux sciences de l’antiquité grecque
dans l’éducation des fonctionnaires prussiens. Munich n’est pas fonda-
mentalement différent de Berlin. Les deux principales métropoles alle-
mandes répondent à des modèles architecturaux philhellènes. À Munich
domine la figure de Leopold von Klenze qui est non seulement l’archi-
tecte de l’ensemble grec de la Königsplatz mais aussi l’architecte de ce
temple des gloires germaniques, le Walhalla, construit sur le modèle du
Parthénon. Comme Schinkel, Leopold von Klenze a fourni des ébauches
ou des projets pour la ville d’Athènes. Il est lui-même allé en Grèce où
il a été guidé par Ludwig Ross et il a servi de relais politique à ce der-
nier en plusieurs occasions. Leo von Klenze a peint en 1847 un tableau
représentant l’Acropole antique et l’Aéropage avec la statue d’Athéna
Promachos. Si la correspondance de Ross et de Klenze, récemment édi-
tée,
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montre l’emprise du philhellénisme bavarois sur la configuration de
la ville d’Athènes et la gestion des Antiquités, les racines grecques de
l’urbanisme de Munich ne sont pas moins évidentes.
D’autres exemples moins immédiatement visibles pourraient être rete-
nus en Allemagne comme à Bonn où, le très proche disciple de Humboldt,
Friedrich Gottlieb Welcker a pendant quarante ans fait de la référence
14. Michel
E
spagne
et Sandrine
M
aufroy
(dir.),
L’hellénisme de Wilhelm von
Humboldt et ses prolongements européens,
Éditions Demopolis / École française
d’Athènes, Paris 2016.
15. Alexander
P
apageorgiou
-V
enetas
,
Briefwechsel Klenze-Ross 1834-1854
,
Archäologische Gesellschaft zu Athen, Athènes 2006.