MICHEL ESPAGNE
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la fondation d’une École française d’Athènes,
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où les meilleurs étudiants
du système universitaire français –on pense au témoin de ces pèlerinages
institutionnalisés que fut l’écrivain Edmond About– étaient censés à par-
tir de 1846 terminer leurs études. La fondation de l’École d’Athènes fut
elle-même une conséquence lointaine de la fameuse expédition de Morée,
pénétration militaire et scientifique de la Grèce à laquelle participa notam-
ment l’un des principaux idéologues de la IIIe République, l’historien
Edgar Quinet, auteur notamment d’un ouvrage sur la Grèce moderne et
ses rapports avec l’Antiquité.
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L’expédition de Morée, à la fois militaire
et scientifique, est la répétition dans une autre partie du monde de l’ex-
pédition d’Égypte. Le philhellénisme participe aussi d’un engouement
pour l’Orient, facile à reconnaître dans le tableau de Delacroix incarnant
la Grèce sur les ruines de Missolonghi. En maintenant une sorte d’in-
décision entre le rassemblement de données susceptibles de construire
un État grec digne héritier de la Grèce ancienne et l’importation de ces
mêmes données comme fondement d’une idéologie française, le philhellé-
nisme des membres de l’expédition de Morée et des fondateurs de l’École
française d’Athènes faisait clairement de l’histoire française comme de
l’histoire grecque deux phénomènes imbriqués.
Un des aspects les plus frappants des transferts culturels impliquant la
Grèce dans l’histoire européenne c’est le parfait parallélisme qui les carac-
térise. C’est tout particulièrement le cas des transferts culturels germa-
no-grecs durant le XIXe siècle qui, en cette période de tensions méritent
tout particulièrement d’être rappelés. L’Allemagne construit la Grèce et
la Grèce, au moins depuis
l’Histoire de l’art dans l’Antiquité
de Johann
Joachim Winckelmann, complétée par les travaux de Friedrich August
Wolf sur les épopées homériques comme création collective du peuple,
construit l’Allemagne. Certes on sait que le roi bavarois Othon, installé
à Nauplie, puis à Athènes a entraîné avec lui des administrateurs alle-
mands comme le comte Joseph Ludwig von Armansperg. On sait que Lud-
wig Ross, qui, lui, venait d’Allemagne du nord fut le premier professeur
d’archéologie d’Athènes et le responsable des antiquités grecques durant
11. Sophie
B
asch
,
Le mirage grec. La Grèce moderne dans la littérature fran-
çaise depuis la création de l’Ecole française d’Athènes jusqu’à la guerre civile
grecque (1846-1946),
Hatier, Paris-Athènes 1995.
12. Edgar
Q
uinet
,
De la Grèce moderne et de ses rapports avec l’Antiquité
,
Levrault, Paris 1830.