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Les transferts culturels et l’histoire culturelle de la Grèce

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est de l’Egée étaient aussi cosmopolites que Smyrne au début du XXe

siècle tandis que la Perse antique elle-même comprenait d’importantes

colonies grecques.

Pourquoi l’histoire grecque dans la longue durée constitue-t-elle un

terrain d’investigation particulièrement favorable pour les recherches

sur les transferts culturels ? L’archéologie plus encore que la philologie

tendent actuellement à remettre en cause l’idée d’une homogénéité eth-

nique dans l’Antiquité, pourvoyeuse des modèles sur lesquels se sont fon-

dés l’humanisme européen, la rhétorique et la tradition littéraire des dif-

férents pays qui le composent. L’idée d’identité nationale est déjà inscrite

dans la représentation d’une Antiquité gréco-latine isolée de relations

étroites à tout son environnement. L’enjeu est donc considérable, mais si

la Grèce est un objet fondamental d’étude de transferts, c’est plus encore

pour la période qui précède et suit sa libération de l’empire ottoman.

Outre la place fondamentale tenue au XVIIIe siècle pour le raffermisse-

ment de la conscience nationale, le traitement de l’Antiquité lui-même est

une question omniprésente et polymorphe au XIXe siècle. On sait que la

réalité linguistique et ethnique de l’espace qui constitue le premier État

grec est à l’origine fort complexe et inclut une forte présence de popula-

tions de langue slave, albanaise ou bien sûr turque. De son côté, la Tur-

quie, qui avait pour ainsi dire naturalisé le Persan de Balkh, Rumi, établi

à Konya, puis longtemps après le Grec Sinan, était, tout sauf un ensemble

ethnique, homogène. La Grèce moderne hellénophone est donc le résul-

tat d’un long processus d’osmoses diverses. La Bavière d’Othon avec ses

philologues, ses archéologues et ses éducateurs n’est que la cristallisation

d’un mouvement européen plus large, de concert avec les aspirations pro-

fondes du mouvement grec des Lumières qui précéda, visant à accentuer

l’héritage hellénique en vue de la formation d’une identité nationale, dont

la composante helléno-chrétienne fut significative. La condescendance

d’un Fallmerayer est un cas d’école. Ce qui est plus singulier, c’est le

jeu engagé par les Grecs eux-mêmes avec des modèles concernant leur

propre identité qui sont en large partie acceptés mais font aussi l’objet de

tentatives d’émancipation. Car si les philologues, notamment allemands,

s’arrogent le droit de projeter sur la Grèce moderne l’image culturelle de

leur propre Grèce antique issue de leur imagination, la Grèce cultivée

se forme largement en Europe ou au contact d’œuvres européennes et

apprend à enrichir sa propre tradition non pas seulement à partir des

représentations françaises ou allemandes de la Grèce antique, mais à par-