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MICHEL ESPAGNE

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rne, éminent philologue, grand ami des Idéologues, établi à Paris en mai

1788, après des études de médecine à Montpellier.

7

L’impulsion première

aurait toutefois été donnée par Andréas Mustoxidi, que Fauriel rencontra

par l’intermédiaire de son ami l’écrivain du romantisme italien Manzo-

ni. C’est donc toute la science d’un réseau de savants grecs émigrés qui

entre dans le recueil de Fauriel, dont une introduction d’une centaine de

pages vient préciser l’objet. Fauriel se déclare d’abord partisan d’un hel-

lénisme sans discontinuité, les contemporains étant les héritiers directs

d’une passion antique pour la liberté. Les Grecs modernes ont une poésie

savante héritée de modèles notamment italiens, mais ce qui l’intéresse

c’est avant tout la « poésie populaire dans tous les sens et toute la force

de ce mot, expression directe et vraie du caractère et de l’esprit national,

que tout Grec comprend et sent avec amour, par cela seul qu’il est Grec,

qu’il habite le sol et respire l’air de la Grèce ; une poésie enfin qui vit,

non dans les livres, d’une vie factice et qui n’est souvent qu’apparente,

mais dans le peuple lui-même, et de toute la vie du peuple »

8

. Le recueil

des chants grecs est donc conçu comme « la véritable histoire nationale

de la Grèce moderne ». Fauriel insiste sur une homologie structurelle

entre le destin des poètes de la Grèce moderne et celui des rhapsodes

homériques : « Ces rhapsodes aveugles sont donc les nouvellistes et les

historiens, en même temps que les poètes du peuple, en cela parfaitement

semblables aux rhapsodes anciens de la Grèce. »

9

Au-delà de son propre

recueil, Fauriel incite les Grecs, lorsqu’ils auront conquis leur indépen-

dance, à poursuivre la collecte de leurs chants populaires qu’ils pourront

rapprocher un jour d’une poésie savante.

Il serait difficile de ne pas voir dans le projet de Fauriel et dans la

réalisation partielle que représente son recueil la mise en pratique de

théories allemandes concernant les chants populaires. Non seulement on

peut mettre en relation son entreprise avec celle des frères Grimm, qu’il

connaissait et a rencontrés, mais sa représentation de la poésie anonyme

7.

Adamantios Korais and the European Enlightenment

, ed. by Paschalis M.

K

itromilides

,

SVEC

, 2010; Anna

T

abaki

, «Adamance Coray comme critique litté-

raire et philologue»,

ibid.,

151-183.

8. Claude

F

auriel

,

Chants populaires de la Grèce recueillis et publiés avec

une traduction française, des éclaircissements et des notes

, Firmin-Didot, Paris

1824-1825, t. I, p. XXV.

9.

Ibid

., p. XCII.