Les transferts culturels et l’histoire culturelle de la Grèce
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mais en même temps pour créer une continuité entre l’Antiquité et le
présent immédiat.
Si les déplacements sémantiques qui accompagnent le déplacement
garantissent l’originalité du résultat final, il n’en reste pas moins que
les littératures européennes se retrouvent dans la littérature grecque et
que ce transfert, sensiblement différent de celui qui s’opère au début du
XIXe siècle lorsqu’il s’agit d’élaborer une Grèce bavaroise, détermine la
construction d’une littérature proprement grecque.
Toutes les histoires littéraires ou plus généralement culturelles du
XIXe siècle sont en partie construites de l’extérieur, à la manière dont
Germaine de Staël dans
De l’Allemagne
a élaboré un panthéon de la lit-
térature et de la philosophie allemandes. Le cas de la Grèce est très parti-
culier puisque les pays européens projettent sur la Grèce le modèle de ce
qu’elle devrait être. Ce modèle concerne tant la géographie du pays que
sa tradition littéraire et sa langue. Mais si le philhellénisme a des consé-
quences sur l’auto-perception de la Grèce, la littérature grecque puise
aussi à des sources européennes très différentes des prescriptions philhel-
lènes. Ces sources peuvent au demeurant être elles-mêmes liées à la réfé-
rence grecque constitutive des identités européennes dans leur ensemble.
Le rôle des diasporas qui remet en cause la centralité d’Athènes com-
plique un peu plus la complexité des transferts multiples sans lesquels il
est difficile de parler de l’histoire grecque du XIXe siècle. Ces transferts
qui méritent d’être étudiés dans chacun de leurs aspects et exigent des
compétences fort différentes selon qu’on s’intéressera à l’apport de l’hel-
lénisme pontique ou aux traductions de Shakespeare montrent aussi qu’il
n’existe pas d’histoire grecque indépendante d’une histoire européenne.